Arménie : La mobilisation en réponse à l'agression
Si 2023 a été marquée par le drame de l’Artsakh, elle a aussi été, par réaction, une année de très grande mobilisation pour le Fonds Arménien de France, ses donateurs/donatrices, ses bénévoles. Mais les défis sont toujours actuels.
L’année 2023 a été marquée par la perte de ce qui restait de l’Artsakh, à la suite de l’agression azérie du 19 septembre. Pendant neuf mois, les Azéris ont imposé un blocus terrestre à l’Artsakh. Les denrées de première nécessité passaient au compte-gouttes. Vivres et médicaments commençaient à manquer. Chaque soir, des brasiers géants étaient allumés par l’armée azérie sur les flancs du promontoire de Shushi et des chants guerriers et religieux étaient diffusés en direction de Stépanakert pour traumatiser ses habitants. C’est donc une population épuisée par les épreuves et les privations, refusant de vivre sous la botte azérie, qui s’est résolue à quitter ses terres ancestrales. En une semaine, quelque 100 000 Artsakhtsis se sont réfugiés en Arménie. Pour la première fois en trois millénaires, plus aucune présence humaine arménienne n’existe en terre d’Artsakh. L’Azerbaïdjan s’y livre maintenant à la dernière phase de sa politique d’éradication ethnique : celle de la destruction ou de la défiguration des monuments architecturaux arméniens. Une politique déjà appliquée au Nakhitchevan depuis l’époque soviétique où pas une pierre maintenant ne peut témoigner de la présence arménienne.
Lorsque les Artsakhtsis ont commencé à arriver en Arménie, par la route de Goris, les équipes locales du Fonds Arménien de France se sont immédiatement mobilisées. Renforcées par des volontaires de la région (étudiants, villageois, etc.), 24h sur 24, elles ont pu approvisionner en vivres, en eau et parfois aussi en carburant environ 45 000 personnes. Cette aide d’urgence a été prolongée, dans les mois qui ont suivi, par la distribution de denrées alimentaires, de vêtements chauds, de matelas, de lits pliants, de couvertures, de réchauds, etc. par le Fonds Arménien Mondial « Hayastan Himnadram ».
Dans la foulée, le Fonds Arménien de France a lancé un programme de relogement des réfugiés dans des villages d’Arménie intitulé « Habitation-réhabilitation-emploi » composé de deux volets : 1) restauration de maisons rurales existantes non occupées et construction de nouvelles maisons ; 2) création de conditions permettant aux réfugiés de reprendre une activité productive. Ainsi, chaque famille relogée est dotée d’outils agricoles, de plants de légumes et d’arbres fruitiers, parfois aussi de serres, pour qu’elle puisse redémarrer une activité agricole. Le premier volet de ce programme (la réhabilitation de maisons rurales existantes) avance rapidement. A ce jour, une trentaine de maisons ont été rénovées et une dizaine de rénovations sont en cours ou sur le point de démarrer. De son côté le Fonds Arménien Mondial « Hayastan » construit des maisons neuves pour une vingtaine de familles et 16 autres sont en cours.
Cette aide aux réfugiés de l’Artsakh a été déployée en plus du programme agro-alimentaire qui est déjà mené par le Fonds Arménien de France au Syunik, au Tavush et au Guégharkounik. Ce programme consiste à fournir aux paysans des serres agricoles, des équipements légers (comme des motobineuses ou des motoculteurs), des plants d’arbres fruitiers ou de légumes, des semences, des ruches, etc. En même temps, le Fonds a poursuivi le programme d’adduction d’eau au profit de villages, avec vingt réalisations déjà à ce jour. A cet égard, le partenariat noué sur le terrain avec le Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations Unies, est exemplaire. Il a été couronné par la signature d’un accord-cadre en vue de nouvelles coopérations. L’une de celles-ci devrait être, si tout va bien, le début de la réhabilitation du grand canal d’irrigation de Sissian (environ 40 km), qui permettra la mise en valeur de plusieurs milliers d’hectares de terres agricoles dans le Syunik.
Au Tavush, le programme agropastoral, soutenu avec constance depuis 2009 par le département des Hauts-de-Seine, s’est poursuivi. Un plan triennal 2025-2027 a été adopté le 29 mai dernier. Au développement des axes de travail existants ont été ajoutées des orientations nouvelles comme l’agritourisme. A Idjévan, le lycée professionnel Patrick Devedjian connaît une grosse montée en puissance. Le nombre d’élèves a bondi à 390 (+30 %) à la rentrée 2024-25. Toujours au Tavush, la distribution de plants d’arbres fruitiers et de plants de légumes se poursuit à grande échelle. La ferme de Lusadzor et sa fromagerie, qui bénéficient maintenant d’un label Bio, sont devenues des modèles de modernité suscitant l’admiration des visiteurs, y compris ceux qui viennent de France. Petit cocorico : trois de nos fromages ont reçu la médaille de bronze au salon Mondial du fromage de Tours (France) en septembre 2023. Nous continuons aussi à distribuer des plants de légumes et d’arbres fruitiers dans la province de Guégharkounik, où la demande est très grande, car la pauvreté y sévit aussi. Nous avons intégré cette province à notre programme agricole en 2022.
En 2023, nous avons accéléré les actions de développement menées au Syunik. Ainsi, 1,7 million de plants de légumes ont été distribués à 5 500 familles. En outre, à la suite des dégâts provoqués par la grêle, nous avons distribué 250 000 plants supplémentaires dans 8 villages sinistrés. Plusieurs projets d’adduction d’eau ont été achevés et d’autres sont en cours ou à l’étude. Dans le village de Shurnukh, coupé en deux à la suite de la guerre de 2020, 3 km de canalisations ont été construits pour assurer 24h/24 et 7j/7 l’approvisionnement en eau potable du nouveau quartier qui y a été créé pour accueillir une soixantaine de personnes déplacées. Dans le village de Lor, de l’eau est fournie pour irriguer 12,5 ha de terres. Au village de Vaghatur, nous cherchons à régler les problèmes d’eau en plusieurs tranches. Nous bénéficions de la contribution nancière de la Métropole Aix-Marseille. Dans la région de Datev, toujours au Syunik, nous avons rénové 3,7 km de canalisations pour l’approvisionnement en eau de 753 habitants. Nous avons aussi offert 5,6 km de tubes à des communes pour l’irrigation ou l’approvisionnement en eau potable de 5 villages, à charge pour elles de réaliser les travaux. Au village de Vorodan, nous avons rénové 2 km de canalisations pour l’irrigation de 15 ha de terres agricoles. Des serres de 100 m2 continuent d’être distribuées. Chaque serre permet de produire environ 1,4 tonne/an de légumes, soit une aide conséquente aux familles qui en bénéficient. Nous avons lancé aussi une série de formations permettant aux bénéficiaires de plants d'arbres et de légumes d'acquérir des connaissances en maraîchage et en arboriculture, ce qui va avoir un effet positif sur la qualité et la quantité des récoles.
Toujours au Syunik, nous avons distribué l’an dernier 25 000 plants d’arbres fruitiers à 250 familles. 100 ruches ont été données ; elles peuvent assurer la production de 2 tonnes/an de miel, un produit à haute valeur-ajoutée. Nous avons fourni aussi du matériel agricole à 20 familles. Des équipements sportifs et des ordinateurs ont été donnés à des écoles. Au village de Vaghatur, nous avons aménagé une aire de jeux pour la plus grande joie des enfants. Nous avons introduit au Syunik des moutons de la race « Blanche », venant de notre ferme de Lusadzor, pour améliorer la race locale avec des croisements. Toujours en 2023, dans le secteur de l’eau, notre projet le plus important a été l’approvisionnement du village de Haykadzor, dont les 552 habitants ont maintenant de l’eau potable 24h/24 et 7j/7. Bordé par un no man’s land, ce village se trouve sur la frontière turque. Financés par la Métropole Aix-Marseille, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et le Fonds Arménien de France, les travaux ont été réalisés par le Fonds Arménien Mondial « Hayastan Himnadram ». Sur un budget initial de 320 273 euros une économie de 7 % a été réalisée.
De nombreux panneaux thermiques (chauffe-eaux solaires) ont été installés dans le Syunik. Ailleurs en Arménie, à Nor Kharpert (banlieue d’Erevan), au foyer des enfants handicapés, une unité photovoltaïque supplémentaire de 17 kW a été installée. Toujours dans l’énergie solaire, la ferme de Lusadzor a été équipée de 70 kW supplémentaires en photovoltaïque, ce qui renforce son autonomie (à 65 %) en électricité. Il s’agit d’un projet de 72 000 euros dont 36 000 ont été assurés par le SIGEIF (Syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité en Ile-de-France), un partenaire de longue date. Dans le Guégharkounik cette fois, à l’orphelinat de Gavar, des panneaux thermiques ont été installés. Soixante enfants bénéficient ainsi d’eau chaude en permanence, grâce à l’énergie du soleil. Dons de la Fondation néerlandaise Signify (ex-Philips), 1 000 luminaires économes en énergie ont été fournis au foyer de Nor Kharpert, au centre médical de Noyembérian, ainsi qu’au lycée agricole Patrick Devedjian, dont les élèves ont assuré la réalisation des travaux.
Grâce aux dons du Phonéthon, nous avons pu poursuivre notre aide annuelle de 100 000 euros aux écoles arméniennes du Liban qui sont touchées par la très grave crise économique qui sévit dans ce pays. Cette aide est très appréciée sur place et très attendue. Nous avons pu également poursuivre le financement des stages de formation d’aides-soignants ou d’assistants dentaires dans ce pays : en trois ans, plusieurs dizaines de jeunes ont pu pro ter de ces stages (effectués à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth) et trouver des emplois bien rémunérés. Nous avons transmis aussi 100 000 euros aux écoles arméniennes d’Alep, qui ont subi des dégâts lors du séisme de février 2023.
Rien de cela n’aurait pu être réalisé sans la confiance et la générosité des donateurs et donatrices. Plus que jamais nous avons besoin de leur soutien lors du prochain Phonéthon. Car les défis sont énormes.
Participez au PHONETHON 2024 du 21 au 24 novembre en faisant un don sur https://dons.fondsarmenien.org/phonethon
Ou en faisant un chèque : Fonds Arménien de France, BP12, 75660 Paris Cedex 14.
Un grand merci pour votre générosité !