André Zeitounian : « Je suis engagé dans un projet qui a du sens »
[25 août 2025] - Propos recueillis par Achod Papasian

On ne sait jamais comment le déclic va se faire. Mais quand il arrive, il est irrésistible ! Après des études d’architecture et cinq ans de travail en agence, André Zeitounian a lui aussi décidé de tenter sa chance en Arménie, loin de sa ville natale de Lyon. Depuis octobre dernier, il travaille sur un projet innovant initié par le centre TUMO : la numérisation de l’ensemble du patrimoine culturel arménien. Un défi de taille, en trois dimensions…

Quels ont été les fondements de votre éducation ?

André Zeitounian : Mes parents sont originaires d’Erevan ; ils se sont installés en France juste avant la chute de l’URSS, en 1990. À la maison, on parlait arménien oriental et je suis allé à l’école Markarian Papazian de Lyon jusqu’à mes dix ans. Quelques années plus tard, j’ai intégré la troupe de danse Naïri, ce qui m’a permis de faire des rencontres dans la communauté et de pratiquer mon arménien. J’ai dansé avec cet ensemble jusqu’en 2023. Puis, je suis revenu en Arménie, treize ans après ma dernière visite.

Qu’est-ce qui vous a reconnecté avec l’Arménie ?

A. Z. : Le grand chamboulement, ça a été la guerre de 2020. Je me suis mis à lire tous les livres qui me passaient sous la main sur l’histoire arménienne, l’art, le génocide, la géopolitique, etc. J’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de choses que je ne connaissais pas, notamment sur les origines du conflit en Artsakh. À l’époque, un ami qui travaillait à Birthright Armenia est venu présenter le programme de cette association à l’UGAB Lyon. Mais c’est quelques mois plus tard, quand je suis venu en Arménie pour deux semaines avec un autre ami, que j’ai commencé à envisager de faire mon volontariat avec Birthright.

Où avez-vous servi dans le cadre de votre volontariat ?

A. Z. : J’ai travaillé pendant trois mois pour Storaket, une agence d’architecture, où je dessinais des résidences et des hôtels. Professionnellement, cela m’a permis de voir comment travaillent les grosses agences. C’est l’avantage de Birthright Armenia : cela donne l’opportunité de tester des choses qui sont moins accessibles dans nos pays d’origine. Quand je suis rentré en France, j’ai aussitôt compris que je voulais revenir. Ce que j’ai fait deux mois plus tard. À ce moment, je travaillais en free-lance ; j’avais des commandes en France ou en Arménie grâce à mes contacts. Entre-temps, je cherchais du travail sur place, mais j’ai vite réalisé que le salaire des architectes était vraiment trop bas. Et quand j’ai entendu parler du projet de numérisation de TUMO, j’ai aussitôt contacté les responsables pour avoir un entretien.

En quoi consiste ce projet et comment procédez-vous ?

A. Z. : Notre but est de scanner en 3D l’ensemble des monuments d’Arménie afin de créer une grande base de données accessible à tous. Le projet concerne les églises, les forteresses, les caravansérails, les khatchkars, les vichaps*, etc. Nous faisons des relevés des intérieurs et des extérieurs avec un scanner laser et un drone, en nous imposant moins de 5 millimètres de marge d’erreur. L’objectif, c’est de pouvoir recréer en 3D les inscriptions, les bas-reliefs, le relief dans les moindres détails. En moyenne, on passe environ trois jours sur chaque site, en sachant que nous sommes une équipe de quatre personnes. Cette année, nous allons relever une vingtaine de sites, en nous concentrant sur les monuments les plus à risque. Précédemment, TUMO a déjà scanné 80 % des monuments d’Artsakh et une grande partie des monuments frontaliers dans le Syunik et le Gegharkunik. Nous le faisons parce qu’ils sont en danger, mais une fois que le projet sera achevé, nous serons le premier pays au monde à avoir tous ses monuments disponibles en 3D.

Qu’est-ce que vous préférez dans votre expérience en Arménie ?

A. Z. : Clairement, pour moi, c’est le travail. Si je faisais des projets pour une agence ou un client, je ne travaillerais pas vraiment pour l’Arménie. Alors que là, je suis engagé dans un projet qui a du sens. J’ai la chance de participer à l’ensemble du processus de numérisation, de le faire évoluer au quotidien, d’apprendre à le préparer en amont. Nous sommes en train de développer une expertise qui peut potentiellement nous permettre d’être une des compagnies ayant les résultats les plus précis au monde. Nous sommes également impliqués dans différents projets. Cette année, la Biennale internationale du design, à Saint-Étienne, va être consacrée à l’Arménie et notre cheffe va y présenter notre projet. Et à la Biennale d’architecture de Venise, l’agence Electric Architects, basée à Erevan, va présenter un projet en lien avec l’intelligence artificielle ; nous allons leur fournir des données sur les monuments que nous avons relevés.

* Mégalithes en forme de poisson datant de la période néolithique à l'âge du bronze qui ont ensuite intégré le paganisme arménien.

 

TOUTES LES ACTUS
APPEL AUX DONS
Merci pour votre Générosité
Grâce à vous nous pouvons agir chaque jour pour aider à la reconstruction de l’Arménie.