Le projet agropastoral du Fonds Arménien dans le Tavush semble faire des petits... Après la ferme de Lusadzor et le lycée agricole Patrick Devedjian, un projet de laiterie est en gestation dans le village de Gandzakar, à quelques kilomètres d'Idjevan. Rencontre avec Bruno Bethenod, président de l’Association des maires ruraux de Côte d’Or, à l’origine de cette nouvelle initiative épaulée par le Fonds Arménien de France.
Comment est né le projet de laiterie dans le Tavush ?
Bruno Bethenod : Depuis 2015, je suis venu plusieurs fois en Arménie avec Vanik Berberian, l’ancien président de l’Association des maires ruraux de France, dans le cadre de la signature d’une convention de partenariat avec l’Association des communes d’Arménie. Et en octobre 2018, lors du Sommet de la Francophonie, j’ai rencontré Emma Hakobian, une des intervenantes sélectionnées par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui m’a présenté son projet de développement de production laitière à Gandzakar. Elle venait de racheter une laiterie construite par des Russes dans les années 90, mais qui n’était plus utilisée depuis une vingtaine d’années. Son projet répond à une problématique locale : comme les éleveurs n’ont personne à qui vendre leur lait régulièrement, ils sont obligés d’aller faire paître leurs vaches en montagne d’avril à octobre pour pouvoir engraisser les veaux et revendre leur viande. L’idée est donc que la laiterie achète ce lait, ce qui permettra aux éleveurs de rester dans les plaines avec leurs bêtes, au lieu de passer la moitié de l’année en altitude dans les montagnes, loin de leurs familles.
Comment avez-vous développé cette idée initiale ?
B.B. : Je me suis rendu plusieurs fois sur place avec Dominique Champion, qui est professeure à l’Institut Agro Dijon en physico-chimie des aliments et management de la qualité. Nous avons réfléchi à comment réorganiser et équiper la laiterie et nous avons rendu visite à une trentaine d’éleveurs pour comprendre leurs besoins. Pour compléter l’équipe, j’ai fait appel à Eric Demouron, professeur de zootechnie fraîchement retraité, et Astrid Neyrand, une vétérinaire qui sera chargée des formations tout au long de l’année. Par ailleurs, je suis moi-même titulaire d’une formation supérieure en productions animales. Actuellement, nous sommes en train d’établir des conventions de partenariat avec cinq éleveurs de vaches et un éleveur de chèvres afin qu’ils nous fournissent du lait qui sera produit selon un cahier des charges précis. L’objectif est de générer des revenus pour les éleveurs, qui à leur tour pourront ainsi faire évoluer leurs modes de production et montrer l’exemple aux autres agriculteurs. C’est une manière plus rationnelle – et moins coûteuse – de développer l’élevage à l’échelle globale, plutôt que d’aller équiper chaque éleveur séparément.
Quelle est la place de la formation dans votre initiative ?
B.B. : Notre projet a la chance de s’inscrire dans une dynamique plus large : d’une part l’ouverture du Lycée agricole Patrick Devedjian à Idjevan, et d’autre part le plan du gouvernement arménien pour développer l’agriculture dans le Tavush. Pour la formation, nous coordonnons nos efforts avec les équipes du Lycée du Fonds Arménien afin de croiser nos formations vers les professeurs et élèves du Lycée et nos éleveurs qui vont bénéficier d’une formation continue. Les élèves viendront profiter eux aussi des stages pratiques dans les six élevages et dans la laiterie de Madame Hakobian à Gandzakar.
Qui sont les autres acteurs impliqués dans le projet ?
B.B. : En plus de la délégation du Fonds Arménien de France, nous avons reçu fin septembre la visite d’une délégation de quatre sénateurs menée par Gilbert-Luc Devinaz, président du groupe d'amitié France-Arménie au Sénat. Ils sont repartis très satisfaits de ce qu’ils ont vu sur place et sont impatients de voir se matérialiser cette « petite révolution » culturelle. En effet, sur les 12 000 hectares de la commune, il y a environ 1 000 hectares d’estives [pâturages de montagnes] et seulement 900 hectares de prairie. Nous allons donc devoir recréer des prairies artificielles dans la vallée pour avoir suffisamment de fourrage de qualité.
Qu’en est-il de la partie financière ?
B.B. : Nous sommes en train d’établir un business plan pour déterminer à combien s’élèveront la rénovation et l’équipement du bâtiment, sachant qu’en plus du crédit que nous allons demander, Emma Hakobian et son mari apporteront leur contribution personnelle. Cela représente un investissement total d’environ 120 000 €, avec un fonds de roulement de l’ordre de 5 000 à 10 000 € que nous comptons assurer. Les produits de la laiterie seront principalement destinés au marché arménien, avec des perspectives d’exportation à plus long terme.