Culture fruitière dans le Syunik : former et accompagner
[13 novembre 2024] - Olivier Merlet

Traditionnellement employées à l'élevage extensif et aux cultures céréalières et fourragères, les populations rurales des régions frontalières du Syunik, au sud-est de l’Arménie, se sont retrouvées privées d’une grande partie de leurs pâturages et de leurs terres à la suite de la « guerre de 44 jours » en 2020. Elles n’ont eu d’autre choix, pour ne pas partir, que de diversifier leurs activités.

Pour les encourager et les soutenir dans cette transition, le Fonds Arménien de France a engagé diverses actions en coopération avec les responsables de ces communautés et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations-Unies. Parmi celles-ci, le développement de la culture fruitière, production à forte valeur ajoutée, devrait permettre en quelques années et sur des parcelles relativement modestes d'offrir à ces familles de nouvelles sources de revenus, peut-être même suffisamment importantes pour des projets encore plus ambitieux.

L'opération a démarré il y a trois ans avec la distribution à 8 000 familles sélectionnées sur critères sociaux, géographiques et techniques de jeunes plants d'arbres. 150 000 pommiers, poiriers, noyers, pruniers et autres kakis ont ainsi déjà été plantés dont certains devraient donner les premiers fruits d’ici 1 ou 2 ans, budget total : 210 000 euros. Mais pour assurer le succès et la pérennité à terme du projet, la formation et l’accompagnement des agriculteurs sont indispensables. Il s'agit de jeter les bases d’un verger à bon rendement, voire à fort potentiel de production, d'enseigner les bonnes pratiques pour savoir, par exemple, reconnaître les maladies et pouvoir les traiter.

Au début du printemps, le Fonds Arménien a organisé une session itinérante de cours pratiques dans les villages frontaliers en faisant appel à deux professeures détachées de l'Université agraire d'Erevan, Arminé Manvelyan et Margarita Khazaryan. Six semaines après la formation qu'elles ont dispensée, elles sont de retour à Nerkin Khndzoresk, un village encerclé sur trois côtés par la frontière azerbaïdjanaise, pour un suivi des cultures. Elles souhaitent également recueillir les observations et les remarques des arboriculteurs, éventuellement les problèmes qu'ils rencontrent.

La famille de Davit Siravyan fait partie des 30 bénéficiaires du programme dans ce village. La situation est telle qu'après la guerre, elle a dû vendre ses moutons et ses vaches, ne disposant plus de prairies pour les mener paître. Le Fonds Arménien de France lui a donné 200 arbres en complément d'autres qu'il avait déjà et qu'il entretient avec le plus grand soin. En mars dernier, il a participé aux formations organisées par le Fonds. « Nous avons fini de planter et jusqu'ici tout va bien. Nous ne savons pas tout sur la culture des arbres, mais petit à petit, nous apprenons. Le rendement dépendra aussi de la météo et d'autres conditions. La question de l'eau est compliquée ici. J'ai de grands projets », ajoute-t-il, « j'ai décidé de construire un séchoir et je veux aussi monter une chambre froide pour conserver les fruits et les mettre en vente en fonction du marché. Ce programme nous a permis de beaucoup apprendre sur les méthodes de culture, la technologie, comment obtenir des récoltes de meilleure qualité. Mais il y a encore des choses que je ne sais pas bien faire, les bons traitements par exemple. Mais quand je regarde les feuilles, elles sont bien vertes, elles semblent saines ».

Margarita Khazaryan, professeure détachée de l'Université agraire d'Erevan et sa collègue Arminé Manvelyan assurent les formations et le suivi des cours.
Margarita Khazaryan, professeure détachée de l'Université agraire d'Erevan et sa collègue Arminé Manvelyan assurent les formations et le suivi des cours.

Pour Arminé Manvelyan, la professeure d'Erevan, les premiers résultats sont très engageants : « La journée a été bien chargée mais nous sommes heureuses de voir de nos yeux les résultats de nos cours. Certaines de ces personnes n'avaient jamais cultivé auparavant, mais elles travaillent efficacement et leur motivation est très forte ; elles ont su créer de beaux vergers ». Au cours de leurs contrôles, les spécialistes remarquent parfois la présence d'anomalies sur certains arbres dont elles prélèvent des échantillons : « Nous les analyserons à Erevan pour voir exactement de quoi il s'agit et recommander le traitement approprié. Nous avons échangé nos numéros de téléphone afin qu'elles puissent nous envoyer des photos et que nous puissions tout suivre à distance avant de revenir sur place. Il faut garder le lien pour qu'elles continuent au même rythme ».

L'initiative a redonné de l'espoir dans le village. Herminé Baglaryan, employée à la commune et elle-même bénéficiaire du projet, s'en fait volontiers l'écho : « Toutes les familles se sont mises au travail et sont vraiment motivées pour en faire encore plus. Elles veulent vraiment développer leur nouvelle activité ».

Dans un contexte de revendications territoriales exprimées par l’Azerbaïdjan, soutenir et renforcer le tissu socio-économique des villages frontaliers du Syunik est devenu crucial. Le Fonds Arménien s'y emploie et multiplie les projets dans la région pour faire en sorte que ses habitants puissent demeurer et vivre dignement sur leurs terres ancestrales. « Vous ne pouvez pas comprendre ce que c'est que de vivre ici tant que vous n'y habitez pas », confie Davit Siravyan en baissant les yeux ; « c'est très difficile ». Puis il nous regarde de nouveau et lance, avec un sourire revenu : « Mais nous résisterons. Nous n’irons nulle part ailleurs, même pas à un mètre d’ici ».

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