Tout est parti d’un souhait de la préfecture du Tavush de développer l’agritourisme dans la région afin de soutenir la modernisation des exploitations agricoles et de rééquilibrer géographiquement le tourisme actuellement concentré dans le sud, autour de Dilijan. Dans le cadre de son programme agropastoral mis en œuvre avec le soutien du Conseil départemental des Hauts-de Seine, le Fonds Arménien de France a donc initié le projet en confiant sa direction à Jacques Bahry 1 qui a bien voulu répondre à nos questions.
Qu’est-ce que l’agritourisme et comment le projet a-t-il pris forme ?
Jacques Bahry : L’agritourisme est l'exercice d'au moins une activité touristique ou de loisirs au sein d'une exploitation agricole (chambre ou table d’hôtes, vente directe, découverte, etc). Afi n d’évaluer la faisabilité du projet, nous avons commencé par mener une étude préalable. Pour ce faire, nous avons recruté Syuzanna Petrosyan, une jeune femme de 28 ans qui dirigeait précédemment l’agence de tourisme du Tavush. Les résultats étant concluants, nous sommes passés, avec Syuzanna, à la phase de sélection des exploitations agricoles pouvant intégrer des activités touristiques. Notre objectif est relativement modeste : selectionner dix exploitants, en s'assurant qu’ils sont vraiment motivés. Avec chacun d’eux, nous identifions leurs besoins et les domaines où nous pouvons leur apporter un appui.
Quels besoins avez-vous identifiés ?
J. B. : Ils sont variés : communication numérique, élaboration d'un business plan, présence sur les sites internet et les réseaux spécialisés, ou bien apprentissage de recettes de cuisine traditionnelles. Parmi les demandes, nous allons distinguer celles auxquelles nous pouvons répondre collectivement, par exemple par une formation, et celles qui requièrent plutôt une aide individuelle, sous forme de conseils. En France, le concept d’agritourisme est généralement centré sur une ferme ou une exploitation agricole. Nous, nous essayons plutôt de raisonner au niveau du village. Par exemple, dans une table d’hôtes en France, on essaye de faire en sorte que la nourriture servie vienne de la ferme. Mais nous, nous veillerons à ce que tout vienne du village, car c’est un degré de sociabilité et de communauté très important en Arménie. Ainsi, c’est la communauté du village tout entière qui bénéficiera de l’agritourisme.
Quels sont les services ou les activités que proposeront les exploitations ?
J. B. : Il y en a qui souhaitent ouvrir des tables ou des maisons d’hôtes, mais aussi organiser des randonnées à pied ou à cheval, des initiations à l'apiculture, etc. Parmi les exploitations que nous avons sélectionnées, plusieurs ont déjà commencé à agir. Une des caractéristiques du Tavush, c’est que beaucoup de touristes venant de Géorgie passent par la région mais ne s’y arrêtent pas, ou au mieux s’arrêtent à Dilijan. Notre objectif – et c’est ce que nous a demandé la préfecture – c’est d’arriver à les faire rester dans le Tavush en créant une route touristique, avec un nom et un logo identifiables, comme les routes des vins en France. Dans le même ordre d’idées, nous souhaitons que nos dix exploitations se constituent à l’avenir en un réseau d’entraide autonome.
Comment pensez-vous répondre aux besoins des exploitants ?
J. B. : Pour les formations et les conseils individuels, nous allons faire appel à différentes sources d’expertise. Il y a par exemple l’ECTI 2, une association spécialisée dans le bénévolat senior de compétences, mais également une structure allemande et la fondation suisse KASA qui ont un bon réseau d’experts en Arménie. Nous allons aussi solliciter des experts d’Erevan, par exemple ceux qui se sont retrouvés sans emploi après la fermeture de l’USAID 3 et qui cherchent de nouvelles opportunités de travail. Nous sommes aussi en contact avec un cabinet de communication numérique basé à Idjevan avec lequel nous envisageons de collaborer.
Quelles interactions ce projet aura-t-il avec le lycée professionnel Patrick Devedjian du Tavush ?
J. B. : Nous avons prévu de mettre en place un module de 72 heures sur l’agritourisme pour les élèves de troisième année de la section enseignement agricole. Sa préparation a été confiée à un de nos professeurs qui enseigne aussi à l’université d’Idjevan. Nous envisageons également de créer une année de formation post-secondaire. Pour la section tourisme, nous sommes en train de réfléchir à la création d’un module sur l’agritourisme plus court, de l’ordre de 34 heures. Nous souhaitons aussi faire la jonction entre notre section cuisine et les tables d’hôtes des exploitations. Pour cela, nous pensons collaborer avec le célèbre chef Setrak Mamoulian d’Erevan, qui est spécialisé en cuisine traditionnelle arménienne.