Depuis sa création en 2009, la ferme de Lusadzor, au Tavush (Arménie) a beaucoup fait parler d’elle dans nos colonnes. Fruit du partenariat entre le Conseil départemental des Hauts-de-Seine et le Fonds Arménien de France, elle constitue l’épicentre des actions du Fonds dans la région, de par son expertise dans la production de lait et de fromages. A cela, s’ajoutent la production et la distribution de plants d’arbres fruitiers et de légumes, l’élevage de bovins et d’ovins, l’exploitation des alpages, etc.
Mais qui sont les femmes et les hommes qui portent cette grande entreprise ? Portraits de quelques membres de ce collectif aux parcours éclectiques, aux savoirs complémentaires et à l’optimisme à toute épreuve !
« C’est en 2015 que je suis venue pour la première fois à la ferme, à la demande de mon mari Souren Kévorkian, Directeur du Fonds Arménien de France, qui voulait avoir mon avis sur les manières d’améliorer l’unité de production. J’ai remarqué certaines lacunes et j’ai alors décidé de m’investir dans le projet. Voyant le potentiel de la ferme, je voulais que nous mettions l’accent, à la demande du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, sur la production de fromage. Le marché russe s’y prêtait, à cause de l’accord de libre-échange avec l’Arménie. Pour ce faire, j’ai dû étudier tous les aspects de la réglementation, de l’exportation, faire venir des spécialistes, traduire la documentation… Dans le même temps, j’ai apporté des améliorations aux différentes parties de la ferme, à toutes les étapes de la production. Ça a été pour moi neuf années d’apprentissage et de pratique et aujourd’hui, on peut dire que le projet a atteint une certaine stabilité. Moi qui habitais à Paris depuis mes vingt-deux ans, je vis désormais à Lusadzor, avec le sentiment profond que ma place est ici, pour servir ma terre, mon peuple, et pour développer l’agriculture, qui est le socle de notre pays. »
« De formation, je suis expert en agroalimentaire. J’ai commencé à travailler à la ferme il y a bientôt huit ans. Auparavant, j’ai travaillé à la municipalité d’Erevan, au service média et communication, et au Comité international de la Croix-Rouge, dans la logistique. Mon rôle est de gérer l’ensemble de la ferme, des champs aux étables en passant par les unités de production, ce qui nécessite beaucoup de flexibilité. J’apprécie tout particulièrement le travail avec le bétail, une activité qui au départ était complètement nouvelle pour moi. »
« J’avais huit ans quand notre famille s’est installée à Kovsakan. J’ai fait mes études à l’université médicale de Kapan, et j’ai ensuite travaillé dans le service de soins ambulatoires du Kashatagh. Mes parents sont agriculteurs et depuis toute petite, j’ai grandi en m’occupant des plantes. C’est pendant la guerre, quand j’organisais la distribution de l’aide alimentaire en Artsakh, que j’ai fait la connaissance de Souren et Asmik Kévorkian. Après la guerre, comme nous avions tout perdu, ils nous ont proposé de travailler à la ferme. Ici, je suis chargée des serres où poussent nos plants d’arbres et de légumes, et je participe aussi à la semence de l’orge, du blé et de l’avoine pour le bétail. Quand tu travailles avec les plantes, il faut y mettre du cœur et c’est très important de leur parler, car la voix est très puissante. Je suis convaincue que tout être vivant, tant qu’il grandit, peut m’entendre. »
« J’ai travaillé comme fromager à différents endroits et notamment en Ukraine, pendant cinq ans, dans une grande fabrique héritée de l’époque soviétique. En 2018, sur proposition du Fonds, j’ai commencé à travailler à la ferme et je me suis installé à Ijevan. Avec la direction, nous avons développé de nouvelles sortes de fromage pour répondre aux demandes du marché. Je suis convaincu que tout le monde ici – de celui qui coupe l’herbe à la direction – aime son travail. Et ça se reflète dans le produit final. »
« Ça fait trois ans et demi que je travaille à la ferme. Je m’occupe des moutons que nous avons reçus de France début 2020. Ils se sont bien habitués au climat du Tavush et au fil des ans, ils se reproduisent de plus en plus. Les agneaux sont destinés à la production de viande. A deux-trois mois d’âge, ils nous fournissent déjà 17 kg de viande. Au quotidien, je nettoie l’étable, je prends soin des nouveaux-nés et je suis très attentif à leur comportement pour m’assurer qu’ils ne tombent pas malades. »
« Moi aussi, je suis une ancienne de la ferme. J’ai commencé ici en 2011 comme trayeuse, et je suis désormais chargée du suivi des stocks. Je travaille aussi comme vendeuse dans notre magasin EcoTavush à Ijevan. J’ai vu la ferme se développer au fil des années. L’arrivée d’Asmik a changé beaucoup de choses. Nous qui venions des villages, nous ne pouvions pas nous imaginer que notre activité puisse être à ce point améliorée, que ce soit au niveau de l’exigence, des conditions de travail ou du salaire. »
« C’est moi qui suis chargé de la coupe de l’herbe dans les champs autour de Lusadzor. Avant la guerre, je vivais en Artsakh, à Ishkhanadzor, où je m’étais installé en 2012. On avait tout là-bas : une maison, du travail… Je cultivais de l’orge, du blé, du maïs, j’avais des animaux, une moissonneuse, etc. On m’a souvent proposé de partir à l’étranger, mais je me suis adapté à la vie en Arménie et je préfère rester ici, même si c’est dur. Après tout, je suis un Sassountsi ! Si on m’accorde une maison, j’aimerais pouvoir faire venir mes parents de Syrie. »
« J’ai commencé ici en 2011 comme trayeur et depuis, je n’ai fait que monter en compétences, que ce soit dans l’automatisation de la traite, le soin des animaux ou l’élevage, grâce aux experts venus de France ou d’Erevan. Toutes les petites nuances que j’ai apprises ici sont importantes et je ne les aurais pas découvertes en restant dans mon exploitation. Je m’occupe aussi de l’approvisionnement en eau des serres et des étables, et de toute l’électricité de la ferme. J’ai travaillé pendant dix ans sur les chantiers à Moscou et c’est là-bas que j’ai appris tout ça. »
« Ma spécialité, c’est le montage/démontage et la conduite de tracteurs. Je suis né et j’ai grandi à Kovsakan. Mes parents étaient parmi les premiers habitants à aller s’installer dans le Kashatagh. Nous avions des terres, des jardins et des bêtes, et c’est là-bas que j’ai tout appris en matière d’agriculture et de technique. Ça va faire trois ans que je travaille et que je vis ici, à la ferme, avec Nikol et Hratch. Je suis le plus jeune de l’équipe, mais le collectif m’a toujours soutenu, que ce soit au niveau travail ou personnel. »
« En Syrie, on peut dire que j’ai grandi sur un tracteur. Mon père avait des terrains et nous faisions tous de l’agriculture. En 2014, pendant la guerre en Syrie, je me suis installé dans le Kashatagh, où j’ai ouvert un atelier de travail du métal. Là-bas aussi, j’avais un tracteur et je faisais du semi et de la récolte. On vivait bien, dans un bâtiment construit grâce à une collecte de fonds de la diaspora. Et, après la guerre de 2020, je me suis installé à Lusadzor et j’ai commencé à travailler à la ferme. Ma femme et mes enfants sont à Erevan, et nous attendons de savoir si nous aurons droit à une maison. »
« Je suis pharmacienne de profession, mais je n’ai jamais travaillé dans ce domaine. Quand j’ai été engagée à la ferme en 2011, je travaillais comme trayeuse et à présent, j’assiste le fromager dans l’unité de production. A l’époque, les conditions de travail étaient assez primitives, on faisait tout à la main… Rien à voir avec aujourd’hui ! Avant l’arrivée de Asmik, nous n’avions que deux sortes de fromages, Lori et Tchanakh, mais désormais, nous produisons plus d’une dizaine de sortes différentes. »
« A la ferme, on est comme une famille. Depuis dix ans, c’est moi qui nourrit tout ce petit monde et qui nettoie les locaux. Je m’occupe aussi du nettoyage des unités de production. En plus de mon travail ici, je m’occupe des plants d’arbres et de légumes que le Fonds me fournit, comme à tous les villageois de la région. J’ai toujours eu la main verte : plus jeune, je travaillais déjà dans nos champs, je m’occupais de nos vergers... Aujourd’hui, grâce au Fonds, je suis doublement comblée ! »
« Je suis un peu l’homme à tout faire de la ferme. Je répare toutes les machines qui me passent sous la main ; je fais le chauffeur s’il le faut. Je me suis installé à Ijevan après la guerre de 2020. Avant, j’ai vécu trente ans en Artsakh, à Kovsakan. Avec mon fils Firdous, qui travaille aussi à la ferme, on cultivait de grandes étendues, on semait de l’orge, du blé, des potagers ; on collaborait avec les Arméniens de Syrie. Ici, je ne cultive pas la terre, j’ai déjà trop à faire. La terre, pour bien produire, doit être au centre de ton attention. »