Avec la guerre des 44 jours, la ville de Goris, située à une quinzaine de kilomètres du corridor de Latchine, s’est retrouvée en première ligne pour accueillir les déplacés d’Artsakh. Et c’est pour fournir une activité et un revenu à cette population dans le besoin que Carmen Apounts, la directrice du Centre Culturel Francophone de Goris, a entrepris de fonder un atelier de couture au sein de sa structure. Focus sur une micro-initiative qui ne demande qu’à grandir.
Lors de rencontres avec les femmes artsakhiotes réfugiées à Goris, Carmen Apounts a pris conscience qu’un certain nombre d’entre elles, indépendamment de l’aide humanitaire qu’elles recevaient, demandaient aussi du travail. Et comme la pratique de la couture, de la broderie et du tricot est très répandue parmi les femmes de la région, l’idée de créer un atelier de couture dans l’un des bureaux de son Centre a été une évidence. Elle a alors fait appel aux ONG « All for Armenia » et « SOS Chrétiens d’Orient » pour financer la rénovation de la pièce, la meubler et l’équiper en machines à coudre, et à l’association Vienne-Goris pour acheter une machine à broder. « Dans la foulée, nous avons formé un groupe composé de six femmes – trois d’Artsakh et trois de Goris – et nous avons fait venir une couturière pour les former », explique Carmen. « En quelques mois, elles ont fait des progrès remarquables : elles sont passées de la confection de simples maniques à des tabliers et des chemises. Et à présent, je suis ravie de pouvoir dire que nos couturières peuvent réaliser n’importe quel modèle ! »
L’atelier propose des produits de sa propre conception, en mettant l’accent sur les textiles et les motifs arméniens, et exécute également des commandes pour les particuliers, de France ou des Etats-Unis, ou pour les établissements locaux, notamment hôteliers. A présent que l’initiative est en marche, l’objectif de Carmen est d’assurer une stabilité financière à ses couturières. « Le principal problème, c’est que nous n’avons pas assez de commandes régulières pour qu’elles aient du travail en permanence », avoue-t-elle. « De plus, avec la situation aux frontières, le nombre de touristes dans la région a beaucoup baissé, ce qui impacte la demande. C’est pourquoi nous cherchons activement des organisations ou des entreprises prêtes à nous passer des commandes. » Sans compter qu’en plus des six couturières principales, d’autres attendent également leur tour en cas de commande plus importante.
Afin de se professionnaliser, l’atelier est également à la recherche d’une personne bilingue pour gérer son magasin en ligne, et faire du marketing et de la publicité. Avec dans l’idée de vendre à l’étranger, où les designs arméniens connaissent un succès certain : au cours d’une vente-expo dans la ville de Vienne, tous ses produits se sont vendus en l’espace de deux heures ! Carmen prévoit aussi de louer un stand à Vernissage, le marché de référence pour les touristes de passage à Erevan, ce qui nécessitera un petit investissement, le temps de se faire connaître. Sur le plan financier, l’atelier bénéficie de l’aide de Suzanne Senellart du Fonds Arménien de France, pour présenter des demandes de subventions, notamment afin de réinstaller l’atelier dans un espace plus grand et d’augmenter le nombre de machines à couture. Formée dans l’urgence de la guerre mais déterminée à s’inscrire dans la durée, cette initiative audacieuse mérite bien un coup de pouce pour pouvoir continuer à faire travailler ses petites mains !