Le Syunik est sans doute l’une des plus belles régions d’Arménie. Elle est à l’extrême sud du pays et borde la frontière iranienne qui n’est finalement qu’à cinq heures de route d’Erevan. Pour y accéder on traverse la région d’Ararat dominée par son mont légendaire, la région de Vayots Dzor (le cœur des vins d’Arménie) et on passe un col de 2 344m pour rentrer dans la région. On atteint la superbe ville de Goris avec ses habitations en « cheminées de fées » au bout de 3 heures. Si l’on poursuit sa route plus au sud , en une heure on arrive à la ville préfecture de Kapan après avoir admiré le superbe monastère de Tatev protégé par l’Unesco ; un peu plus d’une heure encore, plus au sud, on franchit des montagnes magnifiques, un vrai paysage de western, pour déboucher sur la vallée de l’Araxe avec la ville régionale de Meghri et la frontière iranienne, dont le micro-climat chaud permet au plus beaux fruits d’enchanter les tables des Arméniens mais aussi des populations de nombreux pays . Nous sommes à une altitude de 500m. C’est cette route entièrement rénovée que des centaines de camions empruntent chaque jour pour faire la liaison entre le Golfe persique et la mer Noire, du port iranien de Bandar Abbas au port géorgien de Poti. Puis les containers partent vers l’Europe.
Pour être encore plus précis dans notre description des paysages et des activités humaines, on dira que le nord du Syunik jusqu’à Tatev et englobant les villages frontaliers à l’Azerbaïdjan est gorgé de l’eau des rivières : c’est donc le règne de l’agriculture avec de nombreux projets en cours d’élaboration portés par diverses ONG et des financements internationaux, y compris par nous la France. Le sud est le règne des mines au cœur des montagnes Kapan, de Kajaran et d’Agarak. C’est Meghri que je voulais voir depuis 20 ans et accompagné de David Alexandrian, chef de projet du Fonds Arménien de France, de Nerses Chadounts, membre de l’équipe Syunik du Fonds, et Alain Boinet, fondateur de l’ONG Solidarité Internationale, je n’ai pas été déçu.
Meghri, c’est magique, c’est beau. On descend des montagnes du Syunik de plus de 2 000 mètres et se dresse, en face de soi, la montagne iranienne, comme un mur, percé de ses axes routiers. Face à ce mur, d’Ouest en Est, coule la large et magnifique rivière Araxe. Parallèle à la rivière, il y a les barbelés de la frontière internationale arménienne, la route avec des points de vue magnifiques et, surprise, des fragments de la ligne de chemin de fer Tbilissi/Erevan/Meghri/Bakou abandonnée depuis l’éclatement de l’URSS en 1991. L’ex-gare principale, à quelques kilomètres à l’Est de Meghri, est un véritable petit monument, flanqué de ses vieux wagons rouillés. On pense à l’activité qui devait y régner dans les années quatre-vingt. Toujours le long de la route, en parallèle à l’Araxe, pointent des tunnels qui abritent des morceaux de ligne de chemin de fer. Tout est là pour être réactivé intelligemment dans le cadre du « Carrefour de la paix » que l’Arménie propose et présente dans tous les cercles internationaux. Il suffirait d’un budget de 50 à 100 millions d’euros pour que le « Carrefour de la paix », voire « Carrefour de l’Europe », puisse être inauguré après quelques années de travaux : un petit budget, pour une grande paix.
A l’Ouest de Meghri, la longue file des camions attend patiemment de passer la douane avant de rejoindre le pont tout neuf sur l’Araxe à un kilomètre de là. Dans l’autre sens, les camions passent un à un pour remonter sur Erevan.
Nous avons eu le privilège de passer un long moment avec le maire de Meghri, de parler développement et surtout débouchés pour les magnifiques productions de fruits de la vallée : 1 000 tonnes de figues séchées, 2 000 tonnes de kakis séchés et 3 000 tonnes de fruits frais. Et c’est avec Ishkhan, l’un des producteurs les plus performants de la région, que nous avons passé une matinée entière. Ancien ingénieur, installé quelques années en Allemagne, il a créé un magnifique verger de kakis de différents pays et de figues sur un hectare. S’étant perfectionné au fil du temps, il aide de nombreux collègues arboriculteurs et les forme. Nous l’intégrerons sûrement dans notre projet de développement agricole du Syunik. Avec Gricha, c’est une usine de production de jus et de confitures diverses que nous avons visitée. Ces produits sont vendus dans divers pays européens selon les années. Il est clair qu’avec la fermeture partielle du marché russe, en représailles sans doute à la volonté de l’Arménie de diversifier ses alliances, il faut trouver de nouveaux débouchés. Nous restons optimistes car la qualité des produits est là ; les arboriculteurs sont d’excellents professionnels et nous serons présents pour profiter de leurs savoirs et les aider à organiser leurs ventes.